Constat
Scénarios prospectifs du GIEC
Pourtant des efforts ont été réalisés depuis la signature de l'accord de Paris en 2015.
Le rôle des modes de production et de consommation
La probabilité de confiance dans le lien entre activités humaines et changement climatique selon la communauté scientifique internationale a évolué de la façon suivante au cours du temps :
66% lors du rapport 3 en 2001 (probable)
90% lors du rapport 4 en 2007 (très probable)
95% lors du rapport 5 en 2014 (extrêmement probable)
>99% lors du rapport 6 en 2021 (virtuellement certain, univoque)
Du Développement Durable à la Soutenabilité des activités humaines
Le Développement Durable - Rapport Brundtland 1987
Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.
La soutenabilité
Cette représentation inclusive des trois cercles est issue de l'économie écologique.
l'économie écologique et le développement durable poursuivent un objectif commun : prendre en compte l'ensemble des générations actuelles et des générations à venir dans le développement économique. Mais les économistes écologiques, estimant que cet objectif n'a pas été atteint par le "développement durable", prônent une prise en compte des limites environnementales et sociales de l'économie beaucoup plus stricte, qui se traduit par un glissement terminologique en français. Il est intéressant de constater que ni le terme anglais (sustainable) ni le terme espagnol (sostenible) ne changent d'un domaine à l'autre, alors que la radicalisation du concept a eu pour conséquence une transformation non seulement du signifié, mais également du signifiant en français. Le traducteur francophone chargé de traduire un texte lié aux sciences environnementales doit donc choisir entre les termes "durable" et "soutenable", indiquant son adhésion aux idées de l'économie écologique s'il opte pour le second.
Sabri-Fabrice Sayhi, « Traduire dans le domaine de l'économie écologique : les difficultés terminologiques », Traduire [En ligne], 227 | 2012, mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 04 juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/traduire/474 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traduire.474
La Théorie du Donut
Avec cette théorie, l'objectif d'une société est d'atteindre le "plancher social" sur les enjeux de justice sociale sans jamais dépasser le "plafond environnemental" sur les limites planétaires.
Je vous invite à lire ce court article et à regarder la vidéo TED qui le conclut : https://www.oxfamfrance.org/actualite/la-theorie-du-donut-une-nouvelle-economie-est-possible/
Pistes pour l'évolution des pratiques
Industrie soutenable
Introduction
Pour étudier la compatibilité et les limites des démarches Lean au regard des enjeux socio-écologiques actuels, les deux parties qui suivent s'appuient sur deux ouvrages :
Le modèle Toyota - 14 principes de management (Jeffrey liker)
Système Lean - Penser l'entreprise au plus juste (James Womack et Daniel Jones)
En quoi le Lean est-il compatible avec la Soutenabilité ?
La philosophie Lean : fondements et principes
Revenons à la source du Lean : le système Toyota
Fondement 1 : La vision
Asseoir les décisions sur une philosophie à long terme, même si cela doit se faire au détriment des objectifs financiers à court terme.
Avoir et formaliser une mission philosophique de l'entreprise
Un but commun au-delà du profit
Fondement de tous les autres principes, transcendant la prise de décision immédiate
Cohérent avec l'histoire de l'entreprise et visant à l'amener au niveau supérieur
Générer de la valeur
Au bénéfice du client, de la société et de l'économie
Évaluer les fonctions de l'entreprise par rapport à cet objectif
Être responsable
Ne pas subir un système
Confiance dans ses capacités et celles des autres
Assumer les erreurs comme source de progrès
Renouveler les compétences
L'application de ce premier fondement de la pensée Lean devrait conduire toutes les entreprises qui se prévalent de la mise en œuvre d'une démarche Lean à renouveler la mission philosophique de l'entreprise pour tenir compte des enjeux du XXIème siècle.
Remarque : Lien avec la « raison d'être » d'une entreprise à mission (loi PACTE mai 2019)
Ce premier fondement est très proche de la formalisation de la raison d'être d'une entreprise.
« Les entreprises ne se limitent pas à la recherche du profit. L’entreprise doit être le lieu de création et de partage de sa valeur. Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité. »
(https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-redefinir-raison-etre-entreprises)
« La raison d’être sera le projet de long terme dans lequel s’inscrit l’objet social de l’entreprise. La consécration de cette notion dans le Code civil aura un effet d'entrainement en incitant les entreprises à être plus orientées vers le long-terme. »
(https://www.economie.gouv.fr/files/files/2019/PACTE_Juin2019/bro-a4-pacte.pdf?v=1598601160)
Fondement 2 : Les processus
S'attacher à la manière dont on travaille avant de se préoccuper des résultats. Si on travaille bien les résultats suivront.
Faire apparaître les problèmes et s'arrêter pour les résoudre
Produire au juste besoin
Partager avec tous les méthodes de travail et l'information de manière visuelle pour favoriser l'autonomie
N'utiliser que des technologies fiables, soigneusement testées et au service des employés et processus
Ce second fondement contribue à une certaine frugalité à travers la recherche du juste besoin aussi bien en termes de production que de processus. Il se souci donc d'une économie de ressources et d'énergie tout au long du processus. Il cherche aussi à rendre visible les informations et indicateurs de pilotage afin que chacun soit en mesure de prendre des décisions à son niveau (dimension sociale). L'approche technologique, non fondée sur une course au progrès et à l'innovation, serait compatible avec une approche low-technicisante.
Fondement 3 : Les personnes
Placer la valeur de l'organisation dans les personnes qui la composent.
Former les personnes pour développer leurs compétences
Privilégier la promotion interne au recrutement externe
Partager la culture et les valeurs de l'entreprise
Écouter et faire confiance aux personnes pour améliorer l'organisation
Diffuser une culture du collectif et du travail en équipe
Créer des équipes interfonctionnelles et interdisciplinaires
Avoir des managers exemplaires qui connaissent le travail quotidien et sont porteurs de la mission philosophique de l'entreprise
Protéger le patrimoine de connaissance par la pérennisation des ressources humaines et la gestion des promotions internes
Respecter le réseau de partenaires et de fournisseurs en les encourageant et en les aidant à progresser
Ce troisième fondement contribue au développement social et humain.
Fondement 4 : L'amélioration
La résolution continue de problèmes comme moteur d'apprentissage.
Avoir une connaissance réelle et sincère des situations en se déplaçant sur le terrain pour les comprendre, quelque soit le niveau hiérarchique
Mener une analyse critique régulière sur ses propres actions pour identifier le potentiel d'amélioration
Prendre le temps nécessaire à une prise de décision consensuelle et mettre en application rapidement
Concilier des petites améliorations quotidiennes et des chantiers de transformation pour converger vers la vision
Ce quatrième fondement, relié aux trois précédents, est celui qui va permettre à l'organisation de se transformer.
Les 3 M
Les 7 Muda
Le fait de chercher à éviter les gaspillages est tout à fait cohérent avec le principe de soutenabilité :
Défaut/erreur, Stocks, Surproduction : Le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas. Les défauts/erreurs nécessitent l'utilisation de ressources (MP et énergie) qui pourrait être économisées. Les stocks génèrent des besoins conséquents en termes de structure et d'occupation des sols et ont donc un impact sur la transformation d'usage des sols et les écosystèmes du lieu d'implantation du site industriel.
Transport, Déplacements : Lorsqu'ils sont motorisés ces derniers ont un double coût énergétique : lors de le leur fonctionnement et lors de la fabrication des moyens de transport. L'augmentation cumulée des besoins de transport nécessite aussi des infrastructures de plus en plus développées ayant un impact sur les écosystèmes.
Opérations inutiles (sans VA) : Ces opérations sont source de transport, de déplacement et de consommation d'énergie et de matière.
Attente : L'attente est sans doute le Muda qui a le moins d'impact sur le dépassement du plafond environnemental. Elle n'est réellement préjudiciable que si cette attente reste consommatrice d'énergie (moyens liée au fonctionnement de l'organisation comme la lumière, le chauffage, les processus de production, etc.) ou si la mission de l'entreprise contribue de manière positive aux enjeux socio-écologiques.
Le 8ème muda :
Production de produits/services ne répondant pas à un besoin : L'entreprise consomme des ressources, de l'énergie, des moyens humains, etc. pour produire de la non-valeur ajoutée.
Le 8ème Muda : Production de produits/services ne répondant pas à un besoin du client
Ce muda peut avoir plusieurs origines :
Une mauvaise étude du marché actuel, une mauvaise écoute des besoins du clients, une non implication des utilisateurs finaux dans le processus de conception... : c'est le cas pour ne nombreuses applications informatiques, notamment au début des années 2000 (avant l'apparition des méthodes agiles).
Un manque d'anticipation de l'évolution systémique des modes de consommation : nos sociétés sont en pleine transformation dans un contexte de prise de conscience de l'impact de l'activité humaine sur l’environnement. Les modes de consommation vont évoluer et les entreprises qui ne l'auront pas anticipé risquent de rencontrer de grandes difficultés.
Une faible capacité publicitaire et marketing : nous vivons dans une société de création du désir et non de réponse à des besoins. Noyés dans cette masse d'information, des produits essentiels peuvent passer totalement inaperçus.
...
Ce 8ème muda nous invite à repenser la question du besoin. Entre besoin fondamental, désir, pression sociale, nous avons parfois du mal à faire la différence. La société du marketing dans laquelle nous vivons nous invite à entretenir cette confusion.
Centrer la mission philosophique des entreprises sur des besoins fondamentaux de la société est un moyen d'améliorer l'atteinte des objectifs du plancher social tout en renonçant à certaines activités moins essentiels et génératrices de dépassement des limites environnementales.
Exemple : Airbus A380
Il semblerait qu'Airbus n'ait pas suffisamment bien analysé les besoin de ses clients : https://fr.wikipedia.org/wiki/Airbus_A380
Muri/Mura
L'élimination des Muri (surcharges de travail ou pics de charge) a pour objectif d'économiser les personnes et les machines. Moins fatiguées et moins stressées les personnes sont plus disponibles, plus aptes à la créativité et au changement. Si elles ne sont pas sursollcitées, les machines sont moins sujets aux pannes et casses et des plages horaires peuvent être dédiées à la maintenance préventive.
L'élimination des Mura (irrégularité, alternance de pics de charge et de sous-activité) vise la régularité de l'effort, aussi bien pour les personnes que pour les machines.
Ces deux M concourent à la longévité du patrimoine matériel de l'organisation et au bien-être des personnes qui y travaillent. Ils participent donc à cette recherche d'équilibre entre plancher social et plafond environnemental.
Quelles sont les limites du Lean management pour une démarche soutenable ?
Introduction
Le terme Lean a été utilisé pour la première fois à la fin des années 90 dans une logique de transposition occidentale du TPS par des américains (Système Lean, James Womack et Daniel Jones - 1996, 2005). La majeure partie des limites du Lean Management dans le cadre d'une économie écologique est liée à une simplification de la démarche originale pour la réduire à l'amélioration des performances économiques de l'entreprise, en omettant que cette performance économique n'était pas une fin mais un résultat de la démarche.
L'ouvrage Système Lean, de James Womack & Daniel Jones, résume les 14 principes du TPS en 5 principes fondamentaux :
La valeur
La chaine de valeur
Le flux continu
Le système tiré
La perfection
Et le contenu de chacun de ces items est amputé d'une partie de son sens original.
Une définition limitée de la valeur
Fondamental :
L'élimination des gaspillages se traduit par un recentrement des activités sur ce qui produit de la valeur pour l'organisation. On parle souvent de Valeur Ajoutée. L'interprétation américaine définit cette valeur ajoutée comme étant la transformation apportée au produit/service que le client est prêt à payer.
Avec cette définition, l'organisation se retrouve totalement dépendante des volontés et désirs de ses clients. Cette définition semble donc contradictoire avec le 1er fondement d'une démarche Lean : La vision.
Rappel : Fondement 1 : La vision
Asseoir les décisions sur une philosophie à long terme, même si cela doit se faire au détriment des objectifs financiers à court terme.
Avoir et formaliser une mission philosophique de l'entreprise
Un but commun au-delà du profit
Fondement de tous les autres principes, transcendant la prise de décision immédiate
Cohérent avec l'histoire de l'entreprise et visant à l'amener au niveau supérieur
Générer de la valeur
Au bénéfice du client, de la société et de l'économie
Évaluer les fonctions de l'entreprise par rapport à cet objectif
Être responsable
Ne pas subir un système
Confiance dans ses capacités et celles des autres
Assumer les erreurs comme source de progrès
Renouveler les compétences
L'application de ce premier fondement de la pensée Lean devrait conduire toutes les entreprises qui se prévalent de la mise en œuvre d'une démarche Lean à renouveler la mission philosophique de l'entreprise pour tenir compte des enjeux du XXIème siècle.
On constate en effet que dans ce 1er fondement, la valeur ne se limite pas au bénéfice du client. Elle intègre les besoins de la société et de l'économie. Elle doit donc être définie par l'organisation elle même en prenant en compte l'ensemble de ces paramètres.
Toyota a formalisé sa démarche dans les années 60, période à laquelle les ressources étaient encore majoritairement considérées comme illimitées et la notion de plafond environnemental était loin d'être formalisée. On peut imaginer que, en appliquant l'axe "être responsable" à l'axe "Générer de la valeur", on pourrait aisément reformuler ce dernier de cette manière :
Générer de la valeur
Au bénéfice du client, de la société et de l'économie dans le respect des limites planétaires
Évaluer les fonctions de l'entreprise par rapport à cet objectif
Remarque : La valeur est-elle uniquement marchande ?
La prévalence du flux
Fondamental :
Dans le Système Lean de James Womack & Daniel Jones, 3 principes fondamentaux sur 5 (la chaîne de valeur, le flux continu et le système tiré) sont centrés sur le flux de matière, alors que ce dernier ne concerne que 2 principes (flux continu, système tiré) sur 14 dans le TPS.
Cette prévalence du flux sur tous les autres principes, associée à un critère d’évaluation uniquement économique, peut conduire à des choix industriels et logistiques contre-performants dans une approche soutenable.
Exemple : Pour favoriser la continuité du flux matière on peut :
mettre les travailleurs sous pression
augmenter la quantité/fréquence de transports logistiques polluants pour un même volume de produits
augmenter la quantité de déchets (pourvu qu'ils soient à bas coût)
augmenter la consommation d'énergie ou d'eau tant que le processus reste rentable
...
Une vision réduite à la perfection
Fondamental :
La où le TPS définit la vision comme la définition d'une mission philosophique de l'entreprise basée sur la création de valeur pour la société, le "System Lean" réduit cette vision à la recherche de la perfection dans une logique de différentiation concurrentielle. Il s'attache là encore davantage au résultat qu'à la qualité du processus qui permettra de l'atteindre (cf. Fondement 2 du TPS : Les processus).
Les dérives
Une approche originellement plutôt compatible avec la soutenabilité
La cohabitation d'une diversité de pratiques
1ère dérive : une interprétation limitante de la démarche originale
2ème dérive : une mondialisation fondée sur la recherche du profit maximal
3ème dérive : la financiarisation de l'économie
4ème dérive : paradigme de la croissance et "effet rebond"
Mise en place de nouveaux indicateurs et de nouveaux types de modélisation de la complexité
Identification de nouveaux types de gaspillages
Lean Green / Green manufacturing
Afin de palier certaines limites des démarches Lean, le Lean&Green, ou Green Manufacturing, ajoute ou substitue un certain nombre d'indicateurs aux 7 mudas traditionnels afin de prendre en comptes de nouveaux gaspillages.
Ces principaux indicateurs sont :
la consommation d'énergie
la production de C02
la consommation d'eau
la consommation de matière première
la production de déchets
le rejet de substances chimiques entrainant la pollution de l'eau, des sols et/ou de l'air
...
Ce type de démarche peut aussi intégrer des indicateurs sur le potentiel humain et son utilisation
Attention : Green washing
Comme le Lean au début des années 2000, le concept de Lean&Green connait actuellement un effet de mode significatif et attire une faune de consultants mettant derrière ce terme des méthodologies et des pratiques assez disparates pouvant aller jusqu'à se contenter de placer de jolies icônes vertes devant chacun des 7 Muda du TPS.
Une analyse étendue du flux matière
VSM vs Diagramme de Sankey
Les démarches Lean analysent le flux matériel depuis le fournisseur jusqu'au client (via des outils de type VSM). Dans une approche soutenable, il est nécessaire d'étendre l’étude de ce flux depuis l'extraction de la matière première jusqu'à dégradation matérielle de l'ensemble des composants du produit.
Des diagrammes de Sankey, mieux adaptés pour une représentation de flux complexes, peuvent être mobilisés à cette fin.
Diagramme de Sankey des flux d'acier
Une analyse des flux d'énergie et d'eau
Diagramme de Sankey des flux d'énergie
Diagramme de Sankey hybride eau/énergie
Scénario négaWatt 2022
Les 3R / les 6R
Les 3R (Green manufacturing)
Reduce - Recycle - Reuse / Réduire - Recycler - Réutiliser
Les 6R (Sustainable manufacturing)
Reduce - Recover - Recycle - Reuse - Redesign - Remanufacture / Réduire - Récupérer - Recycler - Réutiliser - Reconcevoir - Refabriquer
Conclusion
La recherche de soutenabilité des systèmes industriels s'intègre nécessairement dans une approche systémique. Le système étudié ne peut se limiter au site de production et encore moins à l'atelier ou au centre logistique. Les différentes parties prenantes (actives ou passives) doivent être prises en compte sur la totalité du cycle de vie du produit et sur l'ensemble du flux de matière, d'eau et d'énergie généré par l'activité.